Après le contre-la-montre de Saint-Marin et une semaine de course, certains favoris se détachent déjà dans ce 102e Giro. Tout reste encore possible pour certains tandis que d’autres peuvent déjà faire une croix sur le podium.
Roglic et Nibali bien partis
Primoz Roglic est à cette heure le grand favori pour remporter son premier grand tour. Le Slovène a profité des contre-la-montre pour creuser des premiers écarts conséquents sur ses principaux concurrents. Il est l’un des meilleurs spécialistes au monde de l’exercice et ce n’était donc pas une surprise que de le voir remporter ces deux chronos. Autour de Bologne, Roglic avait déjà devancé tout le monde assez nettement malgré la distance courte avant de remporter sa deuxième victoire ce dimanche à Saint-Marin. Ce sont surtout les temps plus que la victoire d’étape qui ont marqué les esprits dans des conditions très capricieuses.
Il avait volontairement laissé son maillot rose et les responsabilités qui vont avec à Valerio Conti, échappé sur la 6e étape tout heureux de conserver sa tunique pour encore quelques jours. L’ancien sauteur à ski accuse un retard dérisoire de 1’50 sur le maillot rose surtout lorsqu’on connaît les capacités et ambitions des deux coureurs en haute-montagne. Nul doute que Primoz Roglic regoûtera tôt ou tard au rose mais deux interrogations planent au-dessus du leader de la Jumbo-Visma : tiendra-t-il le coup jusqu’au bout sans son fidèle lieutenant Laurens De Plus, contraint à l’abandon, et surtout quid de sa forme dans la dernière semaine de course ?
🇮🇹#Giro
What a ride from @rogla! he is 11 seconds faster than Campenaerts and takes some valuable time on his GC rivals before the mountain stages end of next week. pic.twitter.com/7YECJp4J5U— Team Jumbo-Visma cycling (@JumboVismaRoad) 19 mai 2019
Justement, c’est sur ce point que Vicenzo Nibali, qui a bien limité la casse dans le dernier chrono (4e à 1’05), peut s’appuyer pour conserver toutes ses chances de gagner un troisième Giro. Onzième à 1’44 de Roglic, le Requin de Messine ne pourra sans doute pas le distancer dans l’immédiat mais dans une troisième semaine montagneuse, cet écart peut rapidement fondre. L’Italien dispute son 21e grand tour et s’est souvent distingué comme un spécialiste des efforts de trois semaines. Comme lors de son dernier succès sur son tour national, en 2016, où il avait endossé le maillot rose pour la première fois à l’avant-veille de l’arrivée finale.
S’il a lui aussi perdu un coéquipier, il avait déjà réalisé un chrono prometteur derrière l’intouchable Roglic lors de la première étape (3e à 0’23). D’un point de vue du classement, de l’expérience et de la force de Nibali en dernière semaine, il est aujourd’hui l’adversaire numéro un à Primoz Roglic dans la quête de la victoire le 2 juin prochain à Vérone à l’issue d’un troisième contre-la-montre. Il lui faudra donc une avance confortable sur le Slovène avant d’aborder les derniers kilomètres de ce Tour d’Italie.
Yates, Movistar et Astana en embuscade
Discret depuis le grand départ mais placé dans la roue de Roglic, Simon Yates a beaucoup perdu ce dimanche dans la république de Saint-Marin. Clairement dans un jour sans, il n’a terminé que 31e de l’étape avec plus de trois minutes de retard sur le deuxième du général. Les conséquences sont tout de suite dramatiques pour le Britannique, désormais pointé à 3’46 de Roglic au général. Le porteur du maillot rose pendant 13 jours l’an passé peut encore tout à fait espérer monter sur le podium final au prix de gros efforts dans la montagne, qui ne commencera véritablement que vendredi.
L’équipe Movistar se présentait au départ de ce Giro avec Mikel Landa comme leader. Mais les déboires successifs de l’Espagnol ont rebattu les cartes. Ce dernier a perdu plus d’une minute sur le chrono inaugural, une trentaine de secondes suite à une chute puis une cassure dans la quatrième étape et plus de trois minutes sur le dernier contre-la-montre. Trentième à près de cinq minutes de Roglic, le classement général semble être un objectif passé pour le Basque. D’autant plus que le leader bis, Richard Carapaz, déjà vainqueur d’une étape, est bien mieux classé (dix places et 1’36 devant Landa) et pourrait bien devenir le leader de secours de Movistar. L’équipe peut aussi se féliciter d’avoir deux autres coureurs encore mieux placés au général mais Amador (4e) et Rojas (6e) devraient rapidement retrouver un rôle précieux d’équipiers qu’il connaissent mieux.
🏆🚂🇪🇨 ¡ENORME RICHARD CARAPAZ! ¡VICTORIA EN LA 4ª ETAPA DEL GIRO DE ITALIA! #VamosRichie #Giro #RodamosJuntos pic.twitter.com/e8ucZE37hq
— Movistar Team (@Movistar_Team) 14 mai 2019
Astana pourrait aussi faire ce choix de changer de leader. Le sien, Miguel Angel Lopez, troisième et maillot blanc l’an dernier, malgré ses qualités évidentes quand la route s’élève, accuse un retard assez compliqué à combler. Ses difficultés sur le contre-la-contre l’ont propulsé loin des favoris au classement, ce n’est pas une surprise, mais son déboire s’élève tout de même à 4’29 sur Roglic ou 2’45 sur Nibali. Le plus embêtant pour le Colombien, c’est que son coéquipier Pello Bilbao, vainqueur de le septième étape et sixième du général en 2018, est beaucoup mieux placé en vue du podium. L’Espagnol (10e) est dans les temps de Nibali à seulement 1’42 de Roglic et devance tous les autres favoris. Lopez devrait rester leader apparent en attendant les premières étapes montagneuses et le début des explications entre leaders pour juger si son retard est rattrapable ou si Bilbao est plus à disposition pour viser le général.
Ineos hors du coup, Dumoulin hors course
L’équipe Ineos, anciennement appelée Sky, a fait le choix de la jeunesse pour ce Tour d’Italie. Ce choix était initialement tourné vers Egan Bernal, enfin plongé dans un grand tour en tant que leader d’équipe. Sauf que le Colombien a fait une mauvaise chute à l’entraînement et a été contraint de déclarer forfait quelques jours avant le grand départ. Avec Froome et Thomas concentrés sur le Tour de France, le Team Ineos partait avec les inexpérimentés Pavel Sivakov et Tao Geoghegan Hart en coleaders. Les deux disputent évidemment leur premier grand tour dans la peau de leaders mais sortent d’un Tour des Alpes qu’ils ont largement dominé et terminé respectivement à la première et deuxième place.
Sauf que ce baptême de feu, pas préparé dans les meilleures conditions, a rapidement pris une tournure grimaçante. Le franco-russe a concédé plus d’une minute dès la première étape quand le Britannique a perdu 1’30 sur la troisième étape après deux chutes. Ils ont ensuite terminé dans les mêmes temps (24e et 25e) mais assez loin de Roglic ce dimanche. Voici désormais Sivakov et Geoghengan Hart avec 4’11 et 5’08 de retard sur le Slovène après une semaine de course. Même si c’est en montagne qu’ils sont attendus et seront plus à leur avantage, ce déboire semble dès à présent irréversible pour jouer le classement général. Pour Ineos, il faudra désormais viser les victoires d’étapes ou le maillot blanc de meilleur jeune. Un classement annexe où l’équipe a deux très belles cartes à jouer.
En ce qui concerne un des très grands favoris à la victoire, le Giro 2019 n’aura duré que cinq jours. Pris dans une chute massive dans le final de la quatrième étape, Tom Dumoulin a franchi la ligne le genou ensanglanté plus de quatre minutes après le groupe de tête et le maillot rose. Malgré la douleur, le lauréat de 2017 avait décidé de reprendre le départ le lendemain et poursuivre sa route mais après seulement quelques hectomètres, les jambes et la tête ont dit stop. Le dauphin de Froome l’an passé était cinquième du général avant sa chute, avec une demi-minute de retard sur Roglic suite à sa relative contre-performance sur le chrono inaugural. On peut désormais imaginer Dumoulin sur les routes du Tour et en juillet en revanchard alors qu’il avait fait de ce Tour d’Italie l’objectif de sa saison.