Considérée comme un tour de secours, permettant aux perdants du Giro et du Tour de se rattraper, c’est en tout cas une Vuelta passionnante qui s’élance ce samedi. À part le podium du Tour de France, tout le gratin du cyclisme actuel sera présent sur les routes d’Espagne pour une course qui s’annonce indécise et excitante.
Quatre candidats mais…
Entre ceux qui ont perdu sur le Giro et ceux qui sortent d’un Tour de France manqué, déçus de leur performance ou victimes d’incidents diverses, ils seront nombreux à se bousculer au portillon de départ de cette 73e Vuelta.
On l’avait quitté méconnaissable sur le Tour d’Italie et contraint à un abandon frustrant la veille de l’arrivée finale à Rome. Thibaut Pinot, qui vient de prolonger de deux saisons son contrat à la Groupama-FDJ, doit se racheter pour son premier Tour d’Espagne depuis 2014. Il sera dans la quête d’un deuxième podium en grand tour, après sa troisième place sur la Grande Boucle cette même année. Vainqueur des trois grands tours, Vicenzo Nibali a lui échoué cette année dans le Tour de France sur chute. Alors qu’il était en lice pour un podium, il est allé à terre par la faute du public présent en masse dans l’Alpe d’Huez et a été contraint d’abandonner le soir même. Deuxième l’an passé derrière Chris Froome et vainqueur il y a huit ans, l’Italien sera revanchard et visera la victoire cette année encore.

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Miguel Angel Lopez a quant à lui connu plus de succès cette année sur le Tour d’Italie. Le Colombien de 24 ans a frappé fort pour sa première en Italie avec une troisième place et tentera, malgré une interrogation qui peut se poser sur sa capacité à enchaîner deux grands tours la même année, de briller là où il avait terminé huitième l’an dernier. En ce qui concerne son compatriote Nairo Quintana, il est difficile d’y voir clair. Favori ou outsider, leader ou équipier de luxe ? Avec Valverde mais aussi Carapaz, quatrième du Giro, la formation Movistar s’avance avec plusieurs cartes en main et le vainqueur de l’édition 2016, qui peut légitimement viser la victoire grâce ses qualités évidentes de grimpeur, doit encore confirmer cette année où il ne compte qu’une dixième place sur le Tour. C’est justement avec cet état d’esprit de revanche qu’il peut s’avancer comme un adversaire redoutable.
… derrière, ça se bouscule
Si quatre hommes semblent se détacher, la liste des outsiders au podium est bien plus longue. À 33 ans, Richie Porte disputera seulement sa deuxième Vuelta alors qu’il n’avait pas pu terminer le dernier Tour de France, tout comme Rigoberto Uran qui ira chercher le seul podium en grand tour qui lui manque. Adam Yates était lui hors de forme sur les routes du Tour et tentera de se racheter tout comme son frère Simon. Ce dernier avait réalisé deux premières semaines de Giro excellentes, entrevoyant même la victoire finale, mais s’était s’effondrer dans les derniers jours. Reste à savoir lequel des deux jumeaux sera la leader de la Michelton-Scott où si l’équipe australienne pourra compter sur ses deux hommes pour jouer le général.

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Dan Martin sort lui d’un Tour de France assez convaincant, où il s’est beaucoup porté à l’attaque ce qui lui a valu d’être élu super combatif, mais pourrait se contenter de jouer les victoires d’étape et servir d’équipier à Fabio Aru, victorieux en 2015. L’Italien, qui avait abandonné en toute fin de Giro, a une revanche à prendre et reste un candidat très sérieux au podium voire mieux. Ilnur Zakarin et Steven Kruijswijk ont également fait un top 10 sur le Tour et s’avancent vers la Vuelta sans trop de pression, avec l’ambition de se faire plaisir et si possible faire une belle place au général. Pour Bauke Mollema, en constante difficulté sur la Grande Boucle, il faudra briller en Espagne s’il veut sauver sa saison.
En revanche, les Sky, qui ont écrasé le Tour de France après avoir remporté le Tour d’Italie, devraient se faire plus discrets sur les routes espagnoles. Sans Froome ni Thomas, troisième et premier du classement général du Tour, ni Bernal, la pépite colombienne qui a impressionné en montagne cet été, l’équipe sera emmené par Michal Kwiatkowski. Le Polonais, champion du monde en 2014, visera davantage des victoires d’étapes, un maillot de meilleur grimpeur ou un top 10 qu’une place sur le podium. Ce n’est pas que l’équipe Sky est lassante, mais pour éviter les polémiques et voir un peu de changement sur les podiums, l’absence de ses meilleurs éléments n’est peut-être pas une si mauvaise nouvelle que cela.
Les sprinteurs auront aussi leur mot à dire
Ils devraient avoir au moins six victoires étapes à se disputer. Les sprinteurs seront de qualité sur ce Tour d’Espagne et la lutte pour le maillot vert pourrait bien être aussi âpre que celle pour le maillot rouge de leader. Le triple champion du monde en titre et icône du cyclisme actuel Peter Sagan sera présent pour sa deuxième Vuelta, ce qui suffit en soi pour s’intéresser à la course. Mais il aura face à lui un redoutable adversaire en la personne d’Elia Viviani. Maillot cyclamen et vainqueur de quatre étapes, il fut le grand homme des étapes de plaine sur le Tour d’Italie cette année où il a littéralement explosé aux yeux du grand public.

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Ces deux immenses favoris pour les sprints seront notamment accompagnés par Nacer Bouhanni. Le Français qui traverse une période délicate pourrait bien se relancer pour ce qui sera seulement son deuxième grand tour depuis trois ans. Il y avait remporté deux étapes en 2014 et s’imposer cette année signerait déjà un (re)tour réussi. Parmi les autres sprinteurs présents, il faudra surveiller Matteo Trentin. S’il a changé de statut cet été avec un titre de champion d’Europe et un nouveau maillot à arborer sur la Vuelta, il s’était montré très en réussite l’an passé. Avec quatre victoires d’étapes, il avait été incontestablement le meilleur sprinteur.
Les clés de la course
La victoire devrait se jouer avant tout sur le physique. En cette fin de saison et avant la dernière échéance que seront les championnats du monde, les organismes sont émoussés et celui qui sera le plus frais en troisième semaine pourrait bien remporter la course. Ceux qui ont peu couru dernièrement, à l’image de Thibaut Pinot qui n’a qu’une semaine de course en jambes depuis la fin de Giro, partiront avec un avantage indéniable, à condition d’être prêt à 100 % physiquement. Fabio Aru et Miguel Angel Lopez, qui seront dans le même cas que le Français, ont eu le temps de se soigner ou se préparer pleinement depuis la fin du Tour d’Italie. Pour le Colombien, il a déjà réussi sa saison et n’aura pas la pression de devoir absolument gagner.
Richie Porte et Vincenzo Nibali n’ont pas couru depuis le Tour de France qu’ils ont quitté sur blessure. S’ils ont pris un bon mois pour se soigner, leur niveau actuel reste un mystère. Outre le physique qui n’avantagera donc pas ceux qui ont terminé le Tour de France (Yates, Quintana, Mollema), la dimension mentale sera à prendre en compte. Beaucoup de pression seront ainsi sur les épaules de Pinot, Aru ou Nibali qui ont manqué leur objectif de l’année et qui prennent part à ce Tour d’Espagne pour se rattraper. Une chose est sûre, entre les divers états de forme, les esprits revanchards et ambitieux sans oublier un parcours à la fois exigeant en montagne et qui laissera de la place pour des explications entre sprinteurs en plaine, ce Tour d’Espagne sent la poudre…