L’ancien agent de Mathieu Valbuena a récemment sorti un livre (Mes secrets d’agent) où il dévoile les coulisses de son métier si particulier d’agent de footballeur. Il a fait preuve de disponibilité et de bienveillance pour répondre à mes questions. Entretien.
LE MÉTIER D’AGENT
Avant tout, pourquoi acheter votre livre ?
Pour découvrir ce qu’est la vie réelle et concrète d’un agent car c’est une profession qui a toujours fait fantasmer beaucoup de gens et sur laquelle il se dit tout et son contraire. Je livre un maximum d’anecdotes qui permettent de mieux comprendre le milieu du football mais en aucun cas je ne relève de la vie privée, ce sera de la bassesse de ma part. Mon livre n’est peut-être pas pédagogique mais il permet de mieux découvrir les particularités de ce métier à travers mon expérience personnelle et professionnelle.
Existe-t-il une petite guerre entre agents ?
Non, je ne pense pas. On est dans un marché de niche donc inévitablement la concurrence est féroce. Ce sont les meilleurs qui réussissent, cela me semble logique et cela me va bien… J’assume totalement les tensions avec Jean-Pierre Bernès, nous ne sommes pas fait pareil. Il est comme il est, c’est son problème, en tout état de cause je ne veux absolument pas lui ressembler, ni de près ni de loin.
Comme dans tout secteur d’activité, dès lors qu’il y a de la concurrence, chacun défend son pré. La seule chose c’est que moi je ne le dis pas n’importe comment, la fin ne justifie pas les moyens. Il faut malgré tout avec une éthique et un respect des autres ce qui n’est pas forcément le cas de tout le monde. Maintenant, c’est à l’image de la société donc je n’ai pas à donner de leçon à quiconque mais je m’autorise le droit d’avoir mon propre avis.
Pensez-vous qu’un joueur est obligé d’avoir un agent aujourd’hui, qu’il ne peut pas être plus autonome ?
Je pense que le joueur a réellement besoin d’avoir un agent sur lequel il pourrait s’appuyer. Ce n’est pas l’infantiliser que de lui permettre d’avoir l’esprit consacré à 100% à son activité car c’est aujourd’hui compliqué d’être footballeur de haut niveau. On n’imagine pas le nombre de sacrifices que cela peut engendrer au quotidien pour durer et performer, même si le grand public ne voit qu’une seule chose : l’argent. Sans contestation possible, oui, un agent doit être là pour lui faciliter la tâche mais sans faire non plus les choses à sa place. Cela serait à mon sens une erreur de ne pas les accompagner dans leur développement personnel, ils ont besoin d’un guide, d’un référant.
SA COLLABORATION AVEC MATHIEU VALBUENA
Avec du recul, que retenez-vous de votre collaboration avec Mathieu Valbuena ?
Que les bons côtés, je ne fais pas parti de ces gens aigris qui critiquent ce qu’ils ont aimé. C’était une formidable histoire humaine entre lui et moi. Le reste n’est que péripétie et cela ne mérite même pas d’en parler. Il a fait une carrière magnifique et cela n’a pas été facile pour lui, il ne la doit qu’à lui-même. Je suis bien placé pour savoir qu’il a rencontré de réelles difficultés au quotidien pour s’affirmer. Cela ne sert à rien de se souvenir des côtés négatifs même s’il y en a forcément et comme dans tout couple qui se sépare, il pourrait aussi y avoir des rancœurs légitimes. Pourtant, tout le monde s’attendait à ce que je lui tombe dessus et à ce que révèle les méandres de sa vie privée.
La fin de votre collaboration est-elle la faute des dirigeants ou son propre choix ?
Je n’ai aujourd’hui pas la réponse. J’ai appris une multitude de choses, avérées ou non, qui font que mon jugement a évolué au fur et à mesure, donc je suis aujourd’hui incapable de répondre à cette question avec discernement et objectivité. J’aurai assurément cette réponse qui sera donnée par la justice. Je ne fait pas parti de l’ensemble des protagonistes dans l’affaire des comptes frauduleux de l’Olympique de Marseille mais je serai très attentif à ce qui se dira, car on pourra à ce moment-là avoir éventuellement des réponses aux questions que l’on se pose.
À l’époque de l’affaire du chantage à la sextape, qu’auriez-vous fait si vous étiez encore son agent ?
C’est difficile de dire ce que j’aurai fait car il faut vivre les événements de l’intérieur pour savoir réellement. On ne sait pas vraiment ce qu’il y a autour de cette affaire, on apprend tout et son contraire donc c’est difficile pour moi d’avoir un jugement. En tout état de cause, le constat est terrible pour lui, il a toujours été très clivant dans le milieu du football, 8 personnes sur 10 ne l’ont jamais apprécié, maintenant il y en a 9 et demi. C’est clair que cette affaire est venue pourrir la fin de sa carrière et c’est dommage car il méritait autre chose.
SON QUOTIDIEN
Comment caractérisez-vous votre relation avec vos joueurs ?
Etre en contact permanent avec mes joueurs fait parti de mon ADN, je ne conçois pas mon métier d’agent sans être en relation hebdomadaire avec tous mes joueurs, même s’il y en a qui ont besoin de moins de contact et d’autres qui ont besoin de moi quasiment tous les jours. En réalité, mon rôle est très large : les écouter, suivre leur évolution, leurs entraînements et états de forme, gérer leur relation avec les équipementiers et contrats publicitaires, ainsi que tout ce qui est lié à l’image.
En dehors de cela, combien de matchs pensez-vous superviser chaque saison ?
Entre ce que je vois en direct et en vidéo, à minima une dizaine par semaine, donc près de 500 matchs par an. L’avantage que l’on a aujourd’hui ce sont les outils vidéo avec des plateformes comme Video Profile grâce auxquelles on a accès à tous les matchs de la planète donc c’est un vrai confort de travail. Les images de match, résumés, synthèses permettent aussi de suivre des joueurs de l’étranger.
L’OLYMPIQUE DE MARSEILLE
Vous qui avez longtemps travaillé autour de l’Olympique de Marseille, que pensez-vous de la nouvelle direction, du projet et des nouveaux joueurs ?
Il faut être prudent car il y a quelques semaines tout le monde fustigeait le club, les dirigeants et l’OM Champions Project. En réalité, ils sont aujourd’hui bien placé en Ligue Europa et au championnat donc il y a pire comme début de saison non ? Il faut tenir compte du contexte marseillais, l’impatience autour du club. Mais quiconque met autant d’argent que McCourt ne le fait mérite le respect. Qui est aujourd’hui capable de mettre 200 millions d’euros ? Ils sont partis dans une logique qui consiste à ramener le club le plus vite au plus haut niveau en prenant des joueurs d’expérience. Je n’aurai peut-être pas pris ces joueurs même si ce n’est pas moi qui vais donner des leçons. Le projet se met en place petit à petit mais ce n’est pas facile parce que les sommes liées aux transferts augmentent de façon vertigineuse en l’espace de quelques mois et que cela vient compliquer la tâche.
La communication de la nouvelle direction sur les ambitions du club a-t-elle été juste selon vous ?
Il faut simplement un peu de patience, pour l’OM ou d’autres clubs, tu ne peux pas juger un match à la mi-temps. C’est en fin de saison que l’on pourra dire si la politique de l’Olympique de Marseille était la bonne ou pas. S’il suffisait de mettre de l’argent pour avoir des résultats, des hommes comme monsieur Lagardère (ex-propriétaire du Racing Paris) ou Pinault (propriétaire du Stade Rennais), qui a mis une fortune dans son club, auraient déjà gagné la Ligue des Champions. C’est pour cela que je suis très tolérant là-dessus. Le PSG est le contre-exemple car le club est la propriété d’un état souverain immensément riche donc c’est différent. Il faut du temps, l’exemple de Manchester City est symptomatique : l’objectif au rachat (en 2008) était de gagner la Ligue des Champions…
ET AUSSI
Si vous pouviez choisir, de quel joueur rêveriez-vous d’être agent ?
N’importe qui dirait Messi ou Ronaldo mais je ne les connais pas donc je ne peux pas rêver de les avoir, sauf si c’était pour le business, ou Neymar pour ce qu’il génère. J’accorde beaucoup d’importance à la relation humaine donc je choisirais plutôt un joueur français. J’aime beaucoup la maturité de Mbappé ainsi que l’intelligence de son entourage et son potentiel exceptionnel. Aujourd’hui, le travail son cabinet d’avocat (il n’a pas d’agent) est plutôt intelligent et cohérent donc peut-être n’a-t-il pas besoin d’un agent non plus. C’est un peu le contre-exemple, là on est sur un cas exceptionnel.
De quoi sera fait votre avenir ? Après la publication de votre livre, avez-vous d’autres projets ?
Je désire poursuivre mon activité d’agent avec une nouvelle génération de joueurs en lesquels je crois beaucoup, à l’image de Gaétan Laborde, même s’il est blessé sérieusement et sera absent trois à quatre mois. Je veux également continuer à accompagner des joueurs comme Manuel Cabit (AC Ajaccio), un latéral gauche de très grande qualité, ou Mouaad Madri (RC Lens). Mon métier est avant tout une passion, je ne le conçois pas comme un métier. Je souhaite simplement essayer de me tromper le moins possible et donner les meilleurs conseils.
Le métier de journaliste ne vous manque-t-il pas ?
Bien sûr que cela me manque parce que j’ai été journaliste pendant près de 17 ans et j’ai eu la chance de travailler pour les plus grands médias. C’est une façon de s’exprimer différente, beaucoup plus profonde que dans la communication qu’on peut avoir en tant qu’agent. Travailler en tandem pour commenter des matchs en tant que consultant me plairait aussi car je pense que mon expérience dans le milieu peut me permettre d’apporter un éclairage différent, qui n’existe pas encore. On n’a jamais pris des gens de mon profil donc je pourrais faire ça avec grand plaisir en parallèle de mon activité d’agent. Peut-être que mon regard peut apporter un vrai plus.
Comment travaillez-vous déjà sur le mercato plus de deux mois avant son ouverture ?
On travaille sur des prolongations de contrats, on est en contact régulier avec des directeurs sportifs et entraîneurs. Certains ont d’ores et déjà diagnostiqué un besoin, un profil à avoir pour le mercato d’hiver, soit parce qu’ils se sont trompés sur le recrutement, soit parce qu’il y a une blessure ou un vrai manque. Mais on rentrera vraiment dans les choses sérieuses d’ici fin novembre.