Le grand départ du Giro arrivant à grand pas (5-28 mai), il est temps de faire un point sur les chances françaises de remporter un premier grand tour depuis plus de vingt ans. S’il y a des raisons d’espérer, est-ce enfin la bonne année où faudra-t-il encore patienter ?
Le dernier : Laurent Jalabert en 1995
À l’image du tennis et d’un Grand Chelem qui fuit l’hexagone depuis 1983, le cyclisme français se porte bien mais il reste encore à franchir une dernière marche. Depuis la Vuelta 1995, aucun Français n’est parvenu à s’adjuger un Grand Tour malgré plusieurs podiums. Cela commence à faire beaucoup alors qu’il y avait eu 16 titres sur les 22 années précédant le triomphe de Laurent Jalabert.
Depuis cette époque, Richard Virenque avait pris une deuxième place du Tour mais à une éternité du vainqueur Ullrich (9 minutes) au lendemain de sa troisième place sur la Grande Boucle 1996. John Gadret a aussi été troisième, mais sur le Giro en 2011. La suite, on la connaît : deux tricolores sur le podium du Tour de France 2014 (Péraud et Pinot) et Bardet deuxième l’an passé. Les coureurs français demeurent donc des Poulidors et même si les podiums c’est bien, les victoires c’est mieux. Il ne faut pas être philosophe pour comprendre qu’un triomphe français sur un grand tour, si possible sur les Champs-Elysées, est aujourd’hui essentiel.
Bardet et Pinot sur la bonne voie
Au cours de sa carrière, Romain Bardet s’est montré particulièrement à son avantage sur les routes du Tour de France, qui ont à elles seules façonnées un coureur plein de talent et prometteur. Mais à 26 ans, le grimpeur d’AG2R La Mondiale ne doit plus se cacher et ses concurrents directs l’ont bien compris : il ne sera pas qu’un simple outsider sur la Grande Boucle qui lui a tant sourit depuis ses débuts. Deux victoires d’étapes sur les deux dernières années, trois tops 10 consécutifs et une deuxième place finale l’an passé font de lui un habitué de l’épreuve à l’aube de débuter son cinquième Tour de France. On peut notamment ajouter à ce palmarès une nouvelle deuxième place sur le Dauphiné 2016.
Dans sa saison débutée depuis deux mois, l’Auvergnat compte une sixième place sur le Tour d’Oman, une douzième sur le Tour d’Abu Dhabi ou encore le dixième rang du Tour de Catalogne, premier test en confrontation directe avec des futurs concurrents directs sur le Tour. Enfin, il s’est placé quinzième du Tour du Pays basque, alors que la victoire était à sa portée jusqu’à la dernière étape. Ce qu’il faut surtout relever de ces deux premiers mois est sa disqualification sur le Paris-Nice, qui devait le lancer dans le grand bain de 2017. Lors de la première étape, Bardet chute et s’accroche suffisamment à sa voiture, afin de recoller au groupe de devant, pour que le jury décide de le mettre hors-course. Conséquence : la course au soleil se termine prématurément et direction la Catalogne pour se préparer autrement au Tour de France…
Sur le circuit depuis plus longtemps que son compère, Thibaut Pinot dispose naturellement d’un palmarès plus étoffé. Le leader de la FDJ détient autant de victoires d’étapes sur la Grande Boucle (deux) mais a également récolté le maillot blanc du meilleur jeune en 2014, année de sa troisième place. Ailleurs, Pinot a disputé deux Tours d’Espagne (contrairement à Bardet qui n’a connu ni Giro ni Vuelta), pour une belle septième place en 2013 et un abandon l’édition suivante. Il est aussi champion de France du contre-la-montre en titre, une discipline souvent décisive dans la course aux grands tours. Egalement âgé de 26 ans, Thibaut Pinot ne plaisante plus puisqu’il a choisi cette année de doubler Giro-Tour, le tout espacé d’un mois, pour augmenter ses chances de triomphe, en espérant que la fatigue des routes italiennes ne se ressentent pas en juillet sur la Grande Boucle…
Pour se préparer au Tour d’Italie, le Franc-comtois a disputé les Strade-Bianche (9e) avant de réussir son Tirreno-Adriatico, ponctué par une encourageante troisième place. Avant cela, il avait débuté par le GP La Marseillaise (9e) puis avait poursuit sa route en Espagne avec un Tour de Valence sans saveur (106e) et une Ruta del Sol très intéressante (3e). À noter aussi que Thibault Pinot, qui a déjà levé les bras à une reprise en 2017 – sur la deuxième étape de la Ruta del Sol – ne roulera en avril que sur le Tour des Alpes, dernière répétition avant le départ du Giro (5-28 mai).
Arrivés à bon âge pour s’imposer sur un Grand Tour et développer leur meilleur cyclisme, Romain Bardet et Thibaut Pinot seront à n’en pas douter les hommes à suivre au départ du Tour de France. Le second aura auparavant certainement plus de possibilités de briller sur le Tour d’Italie. Si leur jeunesse peut les amener au haut niveau quelques saisons encore, les deux semblent aujourd’hui dans leur meilleure forme. Est-ce l’année ou jamais pour les deux meilleurs purs grimpeurs français ?
Des cadors plus ou moins prêts
Nous n’avons encore que peu d’informations concernant les états de forme des grands noms du vélo capables de briller sur trois semaines de course. Calendrier oblige, les courses de montagne laissent pour le moment place aux classiques, dessinées pour des profils bien différents, tels que Sagan ou Van Avermaet. Si les deux ont dominé ce début de saison, ils devraient logiquement laisser place aux grimpeurs dans les moments forts des grands tours. Sur les quelques courses à étapes disputées en altitude en 2017, les favoris ne se sont pas tous affrontés directement, d’où la difficulté d’y voir clair. Petite revue d’effectif sur le début de saison de ceux qui pourraient barrer la route aux Français.
Vicenzo Nibali n’a pas encore signé de résultat marquant depuis son arrivée chez la nouvelle équipe Bahrain-Merida, avec au mieux une huitième place sur le Tour de San Juan. La question est de savoir si l’Italien aux quatre grands tours, discret en début de saison, parviendra dès cette année à faire la passe de cinq au sein d’une formation naissante malgré l’expérience d’une partie de ses membres. En 2013, le Requin de Messine avait remporté son premier grand tour sur les routes du Giro, et ce dès sa première année chez Astana. En mai, Nibali tentera le même coup – son objectif majeur de la saison – pour ainsi glaner un troisième Tour d’Italie devant son public.
Alberto Contador a déjà connu une meilleure adaptation à Trek-Segafredo, qui l’a tout de suite mis au premier plan, lui permettant de se montrer à son avantage. L’Espagnol a ainsi décroché quatre deuxièmes places finales sur des courses à étapes (Ruta del Sol, Paris-Nice, Tour de Catalogne, Tours du Pays Basque). À 34 ans, Contador est toujours dans la place, suffisamment pour tenir le rythme trois semaines ? Il voudra boucler la boucle sur les routes du Tour où tout a commencé (première victoire majeure en 2009), avant de ranger définitivement son vélo en fin d’année ?
Chris Froome n’a quant à lui pris part qu’à trois courses en 2017, laissant donc une interrogation quant à sa forme. Le triple vainqueur du Tour n’a au compteur de 2017 qu’une 49e place sur la Cadel Evans Great Ocean Road Race, une 6e sur le Herald Sun Tour et une 30e sur le Tour de Catalogne. Difficile de déceler une quelconque forme ou méforme, alors que le Britannique ne devrait se montrer qu’au Tour de Romandie et au Critérium du Dauphiné avant le départ de la Grande Boucle (1er juillet). Celle-ci sera évidemment l’objectif numéro un de la saison de Froome, qui aura dans le viseur son quatrième Tour de France, le troisième de suite…
En ce qui concerne Nairo Quintana, l’année 2017 est pour l’instant un bon cru. En effet, le petit colombien s’est offert deux succès sur les cinq courses dont il a pris le départ. Le Tour de Valence puis Tirreno-Adriatico (et sa quatrième étape) lui ont réussi, en attendant le Giro ? En plus des routes italiennes, Quintana semble décidément déterminé à agrandir sa vitrine puisqu’il sillonnera aussi la France en juillet. Le leader de la Movistar (27 ans) semble en pleine possession de ses moyens pour remporter à minima son troisième grand tour, et pourquoi pas commencer un règne sur la planète cycliste.
Rendez-vous dans moins d’un mois pour les premiers éléments de réponse et le départ du centième Tour d’Italie, où Thibaut Pinot aura ses chances malgré une adversité élevée (Quintana, Nibali, Aru…). Comme chaque année, le Tour de France sera l’épreuve phare, la bataille y sera évidemment féroce pour la gagne. Si le nom des participants au Tour d’Espagne demeurent inconnus, il est difficile d’imaginer un tricolore s’imposer, à moins d’une défaillance sur la Grande Boucle. Bardet, Pinot ou un autre, qui peut renverser les quatre fantastiques et mettre fin à 22 ans d’abstinence ?
Donnez à présent vos pronostics pour la saison à venir !