Huit défaites, un nul et trois victoires, c’est le triste bilan d’un inquiétant XV de France en 2017. Retour sur les performances d’une nation en manque de confiance et sur le déclin à deux ans de la Coupe du Monde.
Un Tournoi des VI Nations en trompe-l’oeil
Le XV de France débute son année par le Crunch à Twickenham. Si les Bleus s’inclinent à nouveau contre le XV de la Rose (16-19) pour leur entrée dans le Tournoi, ils sont loin de démériter et affichent un niveau plutôt prometteur. Face à la meilleure nation européenne et future vainqueure du Tournoi, la France s’annonce comme un outsider dans ces 6 Nations même si les deux prochaines journées seront moins rassurantes.
À domicile face à l’Ecosse, le XV de France se devait de confirmer face à une nation qui lui réussi bien. Mais le XV du Chardon refroidit le Stade de France en marquant un essai en premier et si les Bleus réussissent un temps à creuser l’écart (13-5), les Écossais se reprennent jusqu’à mener après la pause (13-16). Toujours aussi poussifs et bousculés, les hommes de Guy Novès parviendront à arracher un court mais important succès (22-16) avant un périlleux déplacement en terre irlandaise.
La France dispute à l’Aviva Stadium son premier et avant-dernier match de l’année sans inscrire le moindre essai. Et elle est ce jour-là très loin de son adversaire qui aura dominé de la tête et des épaules des Français encore trop peu rassurants. Ils n’auront eu qu’une véritable occasion d’aplatir ; le score final et les dix points d’écart (9-19) leur est presque flatteur tant les homologues du XV du Trèfle leur ont été supérieurs.
Heureusement, le match face à l’Italie arrive à grand pas pour un XV de France en manque cruel de confiance. Pour cela, rien de tel que d’affronter une Squadra Azurra encore cette année bien trop faible pour le Tournoi. Les Bleus dominent cette rencontre qu’ils remportent aisément 40-18, le bonus offensif en prime et accessoirement leur première victoire à l’extérieur dans le Tournoi depuis deux ans. Du coup, avant la dernière journée, la France est troisième avec encore la possibilité de terminer deuxième derrière l’intouchable Angleterre.
Pour cela, il fallait battre un Pays de Galles assez décevant jusqu’ici (2 victoires, 2 défaites). Outre un match serré où les deux équipes auront eu leur temps fort, le Stade de France assiste à une des fins de rencontre les plus surréalistes de l’histoire. À 13-18, les Bleus ont une dernière possession pour aller chercher l’essai donc a minima le match nul. Ils enchaînent les mêlées à cinq mètres de la ligne, le XV du Poireau ne cesse d’être sanctionné mais plutôt que d’accorder un essai de pénalité logique, l’arbitre attendra 12 mêlées, 20 minutes de temps supplémentaires et un essai tricolore transformé pour siffler la fin du match ! Les Bleus décrochent in extremis un succès longtemps espéré et une troisième place finale dans ce Tournoi.

© AFP / Christophe Simon
Si le bilan du XV de France n’est pas mauvais avec trois victoires et une place sur le podium (une première depuis un deuxième place en 2011), ce Tournoi aura révélé ses nombreuses lacunes qui auront été masqué par un final épique. Sauvés sur le gong, les Bleus s’en allaient en Afrique du Sud disputer leur traditionnelle tournée estivale face à un tout autre adversaire, l’Afrique du Sud, la tête confiante mais le jeu encore plein de doutes.
Une tournée sud-africaine cauchemardesque
Pour le premier de ses trois matchs d’été en Afrique du Sud, le XV de France se rend à Pretoria pour y affronter des Springboks malades. Depuis sa troisième place au Mondial 2015, l’Afrique du Sud n’a cessé d’enchaîner les déconvenues en test matchs (Irlande, Angleterre, Italie, Pays de Galles) comme au Rugby Championship 2016 (deux victoires, quatre défaites et une troisième place).
Mais un XV de France que l’on croyait ressuscité prend l’eau et n’est presque jamais en mesure d’inquiéter son adversaire. Celui-ci mène tout au long du match et malgré un léger doute à l’heure de jeu (16-14), inscrit 14 points en deux minutes – bien aidé par un carton jaune adressé à un Français – pour finalement infliger aux Bleus une correction (37-14).
C’est à Durban que les deux nations se sont retrouvées une semaine plus tard pour une rencontre au scénario différent mais au dénouement identique. Si la France marque la première après seulement trois minutes, elle encaisse un 23-0 avant le renvoi au vestiaire. Une fin de match agitée avec trois essais en dix minutes permettra de donner plus d’ampleur à cette nouvelle démonstration des Springboks face à des Bleus encore complètement dépassés qui s’inclinent quasiment sur le même score (37-15).

@ AFP / Marco Longari
Le troisième et dernier test en terre sud-africaine devait sonner le réveil du XV de France qui n’avait pas le droit à une nouvelle débâcle. Mais le sursaut d’orgueil n’arrivera jamais, l’Afrique du Sud mène déjà 10 à 0 après neuf minutes de jeu. Si les sept petits points d’écarts à la pause maintiennent l’espoir d’un premier succès, celui-ci est rapidement douché pas un nouvel essai springbok. La fin de match se résumera à une équipe française désespérante de fébrilité et de maladresse qui encaisse deux essais supplémentaires, toujours sans parvenir à aplatir. Après 37-14 et 37-15, les sud-africains corrigent les Bleus 35-12 pour une tournée estivale qui restera dans les mémoires.
Outre ces trois lourdes défaites face à une équipe que l’on disait prenable, avec une différence de points de -68, le XV de France est rentré d’Afrique du Sud avec la confiance post – 6 Nations envolée et des doutes à nouveau plein les esprits. Les tests de novembre arrivent alors pour conclure une année de la meilleure – ou plutôt de la moins pire – des manières possibles. Une Nouvelle-Zélande qualifiée d’intouchable, l’Afrique du Sud en guise de revanche et un Japon a priori inférieur débarquent à Paris pour renverser bien plus encore des Bleus à la cherche désespérée d’une victoire.
À domicile, trois défaites, un nul et la crise
De retour au Stade de France, les Bleus accueillent des doubles champions du monde en pleine forme, vainqueurs de 24 des 27 matchs qui ont suivi leur sacre en 2015. Rapidement dépassé, le XV de France coule en première période où elle encaisse quatre essais – dont deux juste avant la pause – et 31 points. Dans le second acte, un essai de pénalité couplé par un carton jaune néo-zélandais (volée volontaire de Williams dans son en-but) relance la France qui, à force de manquer les occasions de revenir à moins de dix points, s’en mordra les doigts. Car les All Blacks laissent passer l’orage et s’offrent le luxe de marquer un essai à la sirène pour prendre définitivement vingt points d’avance (38-18). À l’image d’un très bon Dupont, les Bleus n’auront pas démérité face à une nation bien supérieure mais peuvent regretter un gros manque de réalisme, notamment après la pause.

@ Reuters / Benoit Tessier
Trois jours plus tard, Français et Néo-zélandais se retrouvent à Lyon pour un test-match bien particulier. Placé en semaine, à un horaire inhabituel (18h) et à caractère non officiel, ce duel oppose deux équipes bis. Ceci n’empêche pas ce XV de France de l’avenir, qui accueillera la Coupe du Monde en 2023, de montrer de bonnes intentions et de bousculer les Baby Blacks avec comme symbole Lacroix, auteurs de deux essais en début de match. Mais la Nouvelle-Zélande s’impose de justesse face à des Bleus qui peuvent sortir de ce match la tête haute (28-23).
Depuis le fiasco de la tournée estivale, les Springboks sont au plus mal avec un Rugby Championship très moyen (2 victoires, 2 nuls, 2 défaites) et une cinglante défaite en Irlande (38-3). C’est avec le même XV aligné face aux All Blacks une semaine plus tôt que Novès a pensé enfin pouvoir renverser l’Afrique du Sud, après avoir embêté la Nouvelle-Zélande.
Mais le début de match n’inspire pas forcément à la maîtrise avec un essai rapidement encaissé. Malgré de bonnes intentions une nouvelle fois, les Bleus sont encore trop brouillons et s’en remettent à un rebond favorable pour créer l’occasion décisive et aplatir dans l’en-but. À la pause, si les débats sont équilibrés, c’est aussi par la maladresse du buteur sud-africain (Polard auteur d’un 1/4). Un carton jaune adressé à Serin, tout juste entré en jeu, anéantira les chances françaises, les Springboks réussissant un 10-0 en supériorité numérique. Et l’essai du demi de mêlée tricolore ne servira qu’à réduire le score mais le mal est fait (18-17). Défait par une nation mal en point, le XV de France inquiète de plus en plus.
Cette fois-ci, l’erreur était strictement interdite et impensable face au Japon, un adversaire à prendre au sérieux mais sur le papier nettement inférieur à la France. À l’occasion du premier match dans la flambant neuve U Arena de Nanterre, les Bleus devaient s’acclimater à jouer dans une salle et sur synthétique. Mais ces éléments n’excusent pas une performance aussi pitoyable.
En effet, le Japon domine les débats dès les premiers instants et mène après cinq petites minutes de jeu. Le réaction se fait attendre et si les Bleus égalisent sur l’un de leurs premiers ballons dans le camp adverse, ils restent dominés et secoués par une équipe plus affamée. Celle-ci inscrit logiquement un premier essai et sera rejointe dans les derniers instants du premier acte. Slimani permet au XV de France de passer devant presque miraculeusement (9-8). Mais l’équipe nippone égalise à un essai partout dès la reprise suite à une magnifique action collective. La France s’en remet à un coup de pied génial de Trinh-Duc vers Lacroix pour repasser devant. Impressionnant de justesse et d’envie, le Japon ira chercher le nul (23-23) et pourra même regretter d’être passé proche d’un succès qui aurait été mille fois mérité.
Le XV de France clôture donc son année 2017 sous les sifflets justes de son public. Après un Tournoi des 6 Nations au dénouement heureux, les Bleus ont pris conscience de leur niveau de jeu désastreux en Afrique du Sud. À l’issue de trois défaites cinglantes et d’une tournée calamiteuse, ils sont revenus en novembre pour retrouver des couleurs. Bien au contraire, ils ont sombré quatre fois à domicile et montré peu de signes positifs pour 2018. L’avenir de Guy Novès à la tête du XV de France devrait se compter en jours voire en heures…