Disparu cette semaine en avion, Emiliano Sala va manquer au monde du football par sa personnalité et son exemplarité hors du commun.
Un guerrier apprécié par tous
C’est avant tout un footballeur exemplaire, aimé et respecté à la hauteur de l’homme, qui a disparu cette semaine. Un temps sous-coté voire délaissé, l’Argentin a en fait apporté beaucoup plus qu’il n’y paraît à chacun des clubs par lequel il est passé, de part sa grinta et sa détermination sans relâche. Cet état d’esprit typique sud-américain lui vaut de faire l’unanimité dans les vestiaires comme dans les tribunes, en dépit parfois de statistiques impressionnantes. Et ce notamment au FC Nantes pendant quatre saisons où il fut la tête de gondole de l’équipe, le joueur symbole et indissociable des Canaris. Sala a pris une tout autre dimension dans le championnat cette année grâce à treize buts inscrits en seize matchs – un total équivalent aux saisons précédentes dans leur ensemble – qui lui ont enfin valu une reconnaissance tant méritée.
Ce buteur pur, qui attendait tant son heure de gloire à 28 ans, était alors dans la forme de sa carrière. Même quand il ne plante pas, c’est un joueur dont toute équipe a besoin, tueur devant le but et travailleur infatigable pour le collectif tant qu’il a les pieds sur la pelouse. L’icône de la Beaujoire restera gravé dans toutes les mémoires aussi bien par sa mentalité encore une fois exemplaire, restant toujours le même, discret, humble, dans les bons comme dans les mauvais moments, que par ses buts en cascade cette saison et ses célébrations explosives. Cet Emiliano Sala n’est en définitive pas un joueur comme les autres par son caractère unique sur les terrains et en dehors, mais aussi par sa trajectoire périlleuse.
Un parcours du combattant avant les étoiles
Repéré par Bordeaux, il effectue sa formation dans l’école des Girondins en Argentine puis rejoint la France pour y faire ses débuts en pro avant d’être prêté successivement à Orléans, Niort puis Caen. Ses passages en National et en Ligue 2 sont convaincants et prometteurs, mais n’atteignent pas des sommets extraordinaires. D’ailleurs, ce joueur d’apparence ordinaire rejoint le rival nantais en 2015 après une vingtaine de matchs de Ligue 1 et six petits buts, dans un transfert discret qui s’avérera finalement décisif dans l’histoire des Canaris. Il y marque autant de buts dans l’élite pour sa première saison avant de prendre son envol et définitivement ses marques dans le championnat de France. Pour arriver jusqu’à faire naturellement parti du paysage de la Ligue 1 comme en première partie de saison, le joueur aura galéré dans l’ombre durant six années honnêtes de footballeur.
Ses deuxième et troisième année à Nantes seront équivalentes d’un point de vue comptable. Malgré sa générosité et son goût pour l’effort, seules les statistiques permettent de matérialiser l’efficacité du numéro 9. Avec quinze et quatorze buts marqués toutes compétitions confondues pendant ces deux saisons, il termine ainsi à chaque fois meilleur buteur du club, en étant deux fois plus prolifique que tout autre joueur. Mais c’est la saison 2018-2019 qui aurait dû marquer un tournant dans sa carrière. À la mi-saison, il est deuxième meilleur buteur du championnat avec douze unités et est impliqué sur plus de la moitié des buts de son équipe. Son transfert à Cardiff, initié par Waldemar Kita mais non souhaité par Vahid Halihodzic – ce dernier s’est senti trahi et a d’ailleurs déclaré qu’il aurait quitté Nantes si cet événement ce serait produit dans un autre club -, a finalement été acté le 19 janvier. Voilà qui aurait dû projeter Sala dans une autre dimension et dans le championnat le plus prestigieux du monde.
Le drame, l’attente et l’émotion
Alors qu’il venait de poser avec le maillot de Cardiff City et ses valises en Premier League, l’Argentin était revenu seul faire l’aller-retour à Nantes en toute simplicité, juste pour saluer une dernière fois ses coéquipiers.
La ultima ❤️ ciao @FCNantes 👋🏻💛💚 pic.twitter.com/SV1dNHbYYH
— Emiliano Sala (@EmilianoSala1) 21 janvier 2019
Mais le petit avion, visiblement pas rassurant, auquel il a pris place, n’est jamais rentré au Pays de Galles. Le signal radar a été perdu au dessus des îles normandes lundi soir et, après trois jours de traque et de scrutage dans la Manche, les recherches ont été arrêtées… Avant le décollage, le joueur avait laissé un message vocal glaçant à ses proches dans lequel il montrait déjà son inquiétude : « Je suis dans l’avion, on dirait qu’il va tomber en morceaux. […] Si dans une heure et demie vous n’avez plus de nouvelles de moi, je ne sais pas si on va envoyer des gens pour me rechercher, parce qu’ils vont avoir du mal à me retrouver, sachez-le. Papa, qu’est ce que j’ai peur ! »
Le lendemain soir, les Nantais s’étaient réunis pour célébrer leur ancien joueur, lui rendre hommage et tenter de garder espoir. Ce soutien massif a aussi été largement exprimé par toute la planète football qui lui a envoyé force, amour et respect. Trois valeurs qui ne peuvent pas mieux définir Emiliano Sala.