OM -PSG : Reportage d’un fada venu de loin

Au-delà du match en soi et de la performance des deux équipes, déjà beaucoup commentés et analysés, je vais tenter de vous faire vivre le Classique de l’intérieur et vous montrer que finalement, ces 90 minutes ne se résument pas qu’à un score. Car oui, j’ai eu l’immense bonheur de faire partie des 65.232 spectateurs présent pour OM-PSG (1-5), le dimanche 26 février.

« Sans vouloir justifier cette désormais célèbre déconvenue footballistique, ce long périple n’avait pas été effectué dans le but de regarder simplement un spectacle, mais de vivre au plus près une affiche si importante et qui suscite autant d’engouement, avec des sensations pré et post-clasico. Aussi, il s’agissait de revoir Marseille huit mois après ma dernière visite, à l’occasion de l’Euro 2016 et France-Albanie (2-0), qui plus est pour un rendez-vous de haute envergure.

Si je suis encore un minot, ce cadeau d’anniversaire sonnait comme la fin de l’âge d’enfant, une transition parfaite entre la curiosité et l’insouciance infantile d’avant-match et la quiétude et la sérénité adulte du lendemain. Le passage à la majorité s’était en fait déroulé inconsciemment à l’autre bout de la France.


Préparation matérielle et émotionnelle

Tout ce bonheur annoncé avait commencé un vendredi 13. J’apprenais alors mon départ pour Marseille et le « Classique ». Officiellement, j’étais en déplacement pour raisons familiales mais cette excuse n’est pas aussi bidon qu’elle peut le paraître. Un club de foot est souvent comparé à une famille, à l’OM bien plus qu’ailleurs avec les discussions qui tournent autour du club partout dans la ville à tout moment, tout tourne autour de la famille Olympique de Marseille. Comme toute famille, il est important de se réunir régulièrement, c’est pour cela que je tenais à le faire à l’occasion d’une fête presque nationale qui est le Classique du Championnat de France de Ligue 1. Je tenais à rendre visite à mes proches qui me font hurler, rire, chanter, pleurer tout au long de la saison.

Approximativement un mois avant le coup d’envoi, les billets d’avion et le logement étaient pris, de quoi faire monter tout doucement la pression et l’excitation d’un tel rendez-vous. Je me faisais déjà le voyage dans la tête, avec les milliers de scénarios possibles.

Restait la question du placement dans le stade. Obtenir une place abordable au milieu des Ultras, quitte à ne pas avoir la meilleure vue ou mettre la main à la poche pour avoir les joueurs sous les yeux ? Le choix était vite fait, il ne s’agit pas de faire presque huit cents kilomètres pour simplement observer un spectacle sportif mais surtout en tribunes, je voulais aussi y participer. Un chant dit que « quand le virage se met à chanter, c’est tout le stade qui va s’enflammer », d’où notre importance pour les spectateurs et les acteurs du match. Les « South Winners » se sont offert à moi, il ne fallait plus que patienter le jour du match pour aller récupérer le précieux sésame au fond d’un bar on ne peut plus marseillais.

La tension monte doucement mais sûrement

À titre collectif, un rebondissement avait eu lieu quinze jours avant l’affiche, à savoir la blessure de notre buteur Bafé Gomis. Et quelques jours avant la claque reçue par le Barça au Parc des Princes (4-0), ce contretemps ne donnait guère de chances à l’OM de briller devant son public, ce qui rendait la tâche plus compliquée et le challenge d’autant plus excitant à relever. Ma détermination à conquérir la forteresse phocéenne n’avait pas failli une seule seconde.

La veille du départ, l’attente se faisait ressentir toute la journée mais ce n’était pas une pression ou une angoisse. Comme le disait Canal + dans sa bande-annonce, l’attente fait partie du plaisir. À H-24, le Classique avait déjà commencé.

Le matin du match, je me rendait encore plus compte de l’ampleur que prend cette rencontre à part, notamment en feuilletant L’Equipe à l’aéroport, et que le record d’affluence au Vélodrome est proche (il sera finalement battu avec 65.232 spectateurs).

Marseille s’embrase

Au décollage, dans un habituel temps grisâtre parisien, le stress commence à monter mais une heure et quart de vol plus tard, me voici arrivé dépaysé et déterminé en terre phocéenne, comme pour en découdre. Un ciel bleu parfaitement dégagé, une arrivée royale au bord de la mer, des calanques qui se dévoilent au fur et à mesure du trajet jusqu’à la ville et des conversations essentiellement tournées vers le grand match, Marseille et moi étions fin prêt pour ce rendez-vous immanquable.

Il n’était pas 18h30, soit 250 minutes avant l’instant T, que déjà la foule s’amassait aux alentours du stade. Mon ticket en poche, je prenais le temps de contempler ce peuple marseillais faire déjà la fête. Fumigènes, pétards et pastis étaient bien évidemment de sortie et ces odeurs mélangées donnaient une saveur unique au Vélodrome. À l’entrée dans le virage sud, le ton était donné dans une boutique bricolée sous les escaliers où les écharpes partaient comme des petits pains. Parmi celles-ci, on pouvait s’en acquérir une sobrement intitulé « Paris on t’enc*** », évidemment en toute lettre, sans aucune gène. C’est ça aussi être supporter olympien, il faut haïr son ennemi autant qu’aduler les nôtre, de mon côté ce n’était pas un problème. Je prenais place au milieu des South Winners, ça y est, j’étais un Ultra.

Un virage sud bouillant plein à craquer

La tribune se remplissant jusqu’à déborder, le speaker testant le micro et le public en lançant les premiers chants, les premières explosions de pétards ou bombes agricoles se faisant ressentir, tout était fin prêt pour laisser une trace à cette soirée inoubliable. Mais ce n’est que lors de la préparation des tifos et des premiers énervements que nous étions réellement lancés dans le bain. Et que dire une fois en dessous de l’immense drap, entouré de fumigènes… Ici, l’historique morceau Jump signalant l’entrée des vingt-deux protagonistes et le coup d’envoi fictif donné par Soprano et Mamadou Niang, symboles ultimes de Marseille, n’avait plus d’importance alors que les fumigènes éclairaient encore plus l’avant-match.  Cela a créé une vague de chaleur et d’excitation ultime à quelques secondes d’un coup d’envoi même pas scruté tant le spectacle se déroulait sous mes yeux. Je ne m’attendais pas à moins en prenant place en plein centre de la tribune qui garanti des sensations et chamboulements permanents. Dans le virage sud, il y a sans doute d’ailleurs eu plus d’actions marseillaises que sur la pelouse…


Victoire émotionnelle, défaite sportive

Pendant que j’enjambais les sièges noircis du virage, les joueurs venaient nous saluer, la tête basse comme des enfants qui reviendraient de l’école avec une mauvaise note. Ce stade était tristement en train de se vider des derniers courageux restés jusqu’au bout, dont je faisais parti. Il faut dire qu’il n’y avait pas de quoi traîner, supporters comme joueurs, après cette prestation sportive quasi indigne.

C’est la tête basse mais remplie de souvenirs – excellents venant des tribunes, plus mitigés du côté du rectangle vert – que je gagnais mon sommeil, regardant l’écrin bleu s’endormir derrière mon chemin.

Ce ne sera que le lendemain que je prendrai conscience de l’ampleur du score en regardant les extraits du match et balayant les réseaux sociaux. La lecture de L’Equipe ne sera certes guère plus réjouissante mais aura le mérite d’être instructive et d’avoir un regard plus ou moins neutre sur les performances des deux équipes. Il y a bien un sujet sur lequel tout le monde était d’accord, le public du Vélodrome aura pleinement jouer son rôle à défaut de ses protégés. En découvrant l’élan d’éloges lancés sur les supporters olympiens – non pas ceux qui ont déserté le stade après une heure – je sentais une fierté d’avoir une part de responsabilité dans ce succès populaire. À l’inverse de « mes » joueurs, jamais je n’avais cessé d’encourager les miens, encore plus après chaque coup de bambou reçu sur le derrière du crâne et but parisien. Juste avant le retour au quotidien, le ciel m’avait proposé une dernière surprise à l’atterrissage, alors plongé en plein orage, comme pour me dire « fais demi-tour, ta place n’est pas ici ».

Un doux retour à la normale, sans oublier

Si ma fierté, identique à celle de la plupart des Phocéens présents au stade, contrebalance avec ma déception envers les joueurs, avoir un jour connu une telle aventure restera inoubliable et la défaite en devient presque anecdotique, en tout cas pas forcément un désillusion. Le simple fait de se lever banalement en région parisienne et s’endormir sur la Canebière la même journée fait partie de ce sentiment magique de voyage en autonomie, à la conquête d’une terre connue mais pas encore apprivoisée. Le rôle d’un vrai supporter n’est pas de vibrer pendant 90 minutes mais de soutenir et accompagner son équipe toute l’année, quelque soit le classement et la dynamique des résultats.

Mardi, la déroute s’estompe peu à peu de mon esprit, tellement cela relève presque du normal, mais pas la soirée en soi, qui devrait rester encore un long moment dans ma mémoire.

Auparavant, je savais ce qu’était regarder un match de football, devant un écran ou confortablement assis dans un stade. Je sais désormais ce qu’est d’en vivre un et de participer à cette fête incomparable. Alors suis-je devenu un Ultra ? Ou suis-je simplement devenu éternellement amoureux de ce club, ce stade, cette ville ? En 24 heures du dimanche au lundi matin, ponctuée par 90 minutes émotionnellement grandioses, j’avais officialisé ma signature éternelle à Marseille et nulle part ailleurs, pour le meilleur et pour le pire. »


J’espère que ce nouveau format d’article vous aura plu, un journalisme de « terrain » plutôt que d’analyse, et n’hésitez pas à me donner votre avis en commentaire ou sur les réseaux sociaux !

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